Linguistique et sociolinguistique

du verlan à travers le monde

 

Jazmín Vázquez Ríos

(javari@hotmail.com)

université de berne

 

 

Resumen

Dos sentidos contrarios ejercen una influencia sobre la creación de argot: la distinción del orador y la unión del grupo. Son principalmente perceptibles en contextos multiculturales, donde la situación social y la lengua condicionan la utilización de un cierto sociolecto para construir una identidad particular. En este artículo se destacan similitudes sorprendentes entre las creaciones argóticas de diferentes países.

 

Abstract

The argotic creation is influenced by two opposed directions: the one that distinguishes the speaker and the other that unites the group. It is especially observable in multicultural contexts where the social situation and the spoken language condition the use of a certain sociolect to build an own identity. Astonishing similarities between the argotic creations of different countries are to be highlighted in this article.

 

Palabras clave

Sociolecto

Creaciones de argot

Verlan

Lunfardo

Mattenenglisch

 

 

 

 

 

 

 

Key words

Sociolect

Argotic creations

Verlan

Lunfardo

Mattenenglisch

 

 

 

 

 

AnMal Electrónica 26 (2009)

ISSN 1697-4239

 

 

INTRODUCTION

 

On dit souvent que les jeunes parlent un langage non soigné, qu’ils déforment, voire qu’ils violent la langue. Une des raisons pour lesquelles ces stéréotypes existent est le verlan. L’opinion commune est qu’on utilise ce sociolecte pour que les autres ne comprennent pas ce qu’on dit, pour être spécial. Mais aussi les adultes se servent du verlan. Les raisons pourraient être cherchées dans la culture des locuteurs, dans la couche sociale à laquelle ils appartiennent, dans leur environnement, dans leur identité, etc. Mais il n’est pas repérable pourquoi ces parlers font du charme à certaines personnes. Une explication définitive du phénomène qu’est l’utilisation de langues secrètes reste donc problématique.

Dans ce travail, on part de l’hypothèse que des créations argotiques comme le verlan (ré-)apparaissent dans les lieux où plusieurs cultures s’entrechoquent. Par conséquent, l’utilisation d’un sociolecte n’aurait pas à voir avec une certaine tranche d’âge, mais plutôt avec un contexte multiculturel dans lequel il faut s’adapter à la situation et à la langue. D’une part, il s’agirait de mélanges et de calques (produits par négligence ou par besoin de mots techniques) conditionnant l’utilisation d’un certain sociolecte, d’autre part, la volonté non seulement de se distinguer, mais surtout d’unir le groupe, jouerait un rôle important. Les deux directions opposées, la distinction du sujet parlant et l’union du groupe, formeraient la base du charme secret des sociolectes.   

Afin d’étayer notre supposition d’exemples, on comparera le cas du verlan avec d’autres sortes de verlan à travers le monde. Une autre question qu’on se posera à ce propos est celle de savoir le degré de la similitude entre les verlans des différents pays. Est-ce que les procédés anagrammatiques sont pareils? Et le vocabulaire, comment est-il développé? On proposera, finalement, des réflexions sur ce sujet avant de tirer une conclusion.

 

 

LE VERLAN

 

Pour Méla, le verlan est «la langue miroir dans laquelle se reflètent les multiples tensions de la société, la diversité des références des verlanisants» (1991: 73). Représentatif pour son système de permutation, le terme verlan est l’inversion de l’envers. Les graphies vers-l’en et verlen sont aussi connues, mais la plus répandue et celle qui a pu s’imposer est verlan.

Le verlan des banlieues est très présent depuis les années 90 du XXe siècle.  Mais ce jeu sur les mots était en usage déjà avant: la chanson Laisse béton, 1976 ( = laisse tomber) de Renaud s’est servie de cette façon de parler devant un grand publique qui ne connaissait pas ce qui jusqu’à ces jours-là était une langue souterraine. Il est vrai qu’au XXe siècle, les prisonniers, ainsi que certains adolescents parisiens, se communiquaient en verlan. Mais le phénomène de l’inversion des syllabes d’un mot est encore plus ancien. Déjà en 1585, on trouve le mot Bonbour pour désigner un Bourbon, au XVIIIe siècle, Louis XV est appelé Sequinzouil et la première moitié du XIXe siècle nous tient prêt le mot Lontou pour le bagne de Toulon (pour les exemples, voir Calvet 1999: 60). Il faut remarquer qu’il ne s’agit que de quelques apparitions de mots isolés, et non pas de mots tirés d’un contexte verlanisé de son côté. Le procédé d’inversion n’était appliqué qu’à quelques termes et de façon relativement limitée.

  Aujourd’hui, l’utilisation du verlan n’est pas la même qu’au XVIe siècle. Le verlan est devenu un argot de banlieue et de bande qui est parlé de plus en plus par des «jeunes de situation sociale plus aisée, […] les lycéens des beaux quartiers» (Calvet 1999: 64). Mais ce sont surtout des garçons qui l’utilisent pour parler entre eux, pour être cool, pour faire partie du groupe ou pour se détacher ou démarquer d’autres cliques (ou des parents dans le cas des lycéens). Plus que d’autres adolescents, les beurs (les jeunes d’origine arabe) s’en servent comme marqueur d’identité. Les autres (les jeunes plus aisés, les enfants, les filles et les médias) parlent un verlan plus délavé et soft, quelquefois même ludique. Puisque l’utilisation du verlan varie selon les locuteurs, on peut se poser la question de savoir qui parle le verlan et pourquoi.

  Selon Méla (1991), le verlan est une contradiction du français standard : au lieu de viser la clarté, il vise la mystification et permet d’exprimer ce dont le français standard n’ose pas parler. L’une des fonctions de ce sociolecte est donc euphémique[1]. Mais les fonctions qui peuvent être attribuées au verlan varient selon le locuteur (à ce propos, voir Méla 1997: 31-32).

 

 

Histoire

 

Depuis les années 1980, la France a pu observer la distinction de plus en plus claire d’un groupe social nouveau: les beurs. (McNeill 1999). Selon la définition de Hargreaves, les beurs sont les enfants d’immigrants nord-africains (1989: 661). À la fois d’origine arabe et de culture française, ce groupe biculturel cherchait sa place dans la société. Ceci a automatiquement entraîné des tensions et de la résistance. La Marche pour l’égalité et contre le racisme en 1983 thématisait la discrimination subie par cette (apparemment) nouvelle partie de la population. On percevait cette minorité ethnique comme une classe sociale à part. Les différentes vues des et les définitions proposées par certains auteurs n’ont que souligné cette perspective[2]. De nouveaux mots comme beurgeoisie ou banlieusard ont été créés, montrant la démarcation au niveau de la langue. Les beurs, de leur côté, se détachaient par la langue qu’ils utilisaient: un français mélangé avec l’arabe, des mots argotiques cryptés et du verlan. Dès qu’on risque de ne plus être «secret», on invente de nouveaux mots (Seguin et Teillard 1996: 18-19). Mais à la fois le désir d’être compris et accepté est là: «Au Maroc, les Marocains me traitaient de sale Français… En France, les Français me traitent de sale Arabe… Maintenant, je suis perdu. Je ne sais plus qui je suis» (Seguin et Teillard 1996: 104). C’est peut-être ce conflit d’identité (langue, nationalité, religion) qui pousse certains beurs à s’engager dans des projets comme un dictionnaire sur le parler de la banlieue, tel que décrit par Seguin et Teillard. Ils veulent être compris. Le détachement (se manifestant non seulement par la manière de parler, mais également par la musique écoutée, par la façon de s’habiller, etc.) ne serait donc qu’une fonction secondaire semi-intentionnée.

Aujourd’hui, «l’influence culturelle la plus forte dans le milieu verlanophone» (Méla 1997: 27) est le Rap noir américain. Le groupe de rap Sniper, par exemple, s’appelait autrefois Persni, ce qui est la verlanisation de son nom actuel. L’influence linguistique vient plutôt du lexique arabe (qui est déjà très présent dans le français populaire[3]). En principe, le verlan emprunte des mots à différentes sources et néglige en même temps des synonymes courants. Le vocabulaire qui se prête au verlan est restreint à peu de domaines, mais dans ceux-ci, on trouve plusieurs mots en verlan pour un mot français. La drogue s’appelle chicha (= haschisch), teuch (= shit), dropou (= poudre), son instrument tarpé (= pétard; joint) et l’état d’esprit foncedé (= se défoncer; se droguer). Les champs sémantiques privilégiés sont en relation avec la société qui utilise le verlan.

Quant à l’utilisation du verlan, il est à observer que le succès du verlan et son emploi dans des films (La Haine, Rush Hour) ou des chansons (rap) a répandu la connaissance et l'usage de ce sociolecte créatif au-delà d’une minorité ethnique.

 

 

Le sociolecte

 

Habituellement, les différents processus propres au verlan sont simplifiés en dégradant ce sociolecte à une simple inversion de syllabes. Par contre, cette dernière ne fonctionne que pour un certain nombre de mots monosyllabiques. Le déplacement de phonèmes ou de graphèmes s’effectue par différents procédés.

Calvet (1999: 60) théorise le procédé de base comme suit:

 

 

 

Le fonctionnement premier part des syllabes. Pour la verlanisation, celles-ci sont généralement perçues de façon phonétique, bien qu’il y ait des avals qui font appel à l’orthographe (nez, par exemple, devient zène au lieu d’éne).

Les syllabes de l’amont doivent être ouvertes (CV)[4]. Si la syllabe est fermée (CVC), elle doit être transformée en ouverte (CVCV). Ceci est possible par l’ajout d’un eu ou d’un e muet/caduc.

 

Monosyllabes. Si, par conséquent, un mot monosyllabique est fermé (comme c’est le cas de punk ou de tronche), il doit d’abord être transformé en dissyllabe (punkeu, troncheu) pour subir la verlanisation (en keupon et chetron). Une troncation (voir infra, «Troncation») est possible selon le mot verlanisé. L’exemple possiblement considéré le plus connu est celui du mot meuf. L’amont femme devient femmeu par dissyllabification, meufa par verlanisation et finalement meuf par troncation. Un autre exemple est keuf, aval de flic (flic flikeu keufli keuf).

Si, par contre, un mot monosyllabique est ouvert (comme, par exemple, fou, toi ou chaud), il se produit simplement une inversion de l’ordre des phonèmes (ouf, ouate et auche)[5].

Si le mot monosyllabique se termine par une liquide (l, r), il est traité comme les mots monosyllabiques fermés. L’amont dur devient donc dureu, avant d’être transformé en reudu. Mais comme c’est l’exception qui confirme la règle, on présente deux exceptions. L’amont bière permet deux transformations: iérb et reubié sont possibles. Selon le premier aval, bière est un monosyllabe ouvert. Le deuxième aval indique un amont monosyllabique fermé. Dans le cas de poil, l’amont est traité comme ouvert, négligeant la règle de la terminaison liquide. L’aval est oualp au lieu de leupoua.

 

Dissyllabes. Pour la verlanisation des dissyllabes, l’ordre des syllabes est inverti:

 

 

 
 

La première syllabe (S1) est toujours ouverte (CV), naturellement (dans le cas de ci/ qui devient /ci) ou artificiellement (dans le cas de bas/ket qui devient sketba), sauf si elle se termine par une liquide (l, r). Les S1 des amonts garder et calmer ne devront donc pas être coupés après la voyelle (gar/der devient dé/gar, cal/mer devient mé/cal). Si c’est S2 qui commence par une liquide (pa/rents), la transformation est régulière (ron/pa).

Comme dans le cas des monosyllabes, la troncation est possible: l’amont taxi devient xita en aval et, par troncation, xit. Pour ce qui est des expressions fixes ou locutions, elles peuvent être traitées comme des dissyllabes. Vas-y, comme ça et ta gueule deviennent par la verlanisation ziva, sakom et gueulta.

 

Trissyllabes. Les 3 permutations possibles pour la verlanisation des mots trissyllabiques sont les suivantes: le rejet de l’initiale en finale (cigarette deviendrait garetsi, rigolo golori), l’inversion totale des syllabes (calibre se transforme en brelica, portugais en gaitupor) et le déplacement de la finale (ancu et véri sont les avals d’encu et de véri).

 

Si un schwa se trouve entre deux consonnes à l’intérieur d’un mot trissyllabique (batterie), la prononciation populaire nous invite à le transformer en dissyllabe (batri), ce qui a pour conséquence une verlanisation par inversion de syllabes (triba).

Un e muet à la fin d’un mot trissyllabique (bagnole, musique) n’est pas prononcé (bagnol, muzik), ce qui entraîne une verlanisation dissyllabique (gnolba, zikmu). Si, par contre, la 3ème permutation provoque un hiatus (l’amont énervé devient éner), c’est l’aval qui est transformé en dissyllabe (véner).

 

Troncation. Le phénomène de troncation est omniprésent en français parlé. Les apocopes les plus courantes sont prof (pour professeur), gym (pour gymnase) ou dégue (pour dégueulasse), entre autres. La troncation, bien que très répandue en verlan, n’est donc pas un procédé propre à ce sociolecte.

Cependant, en verlan, la troncation semble s’appliquer uniquement aux dissyllabes ou aux monosyllabes transformés en dissyllabes. Par la verlanisation et la troncation (appréciée par de nombreux locuteurs), ces dissyllabes réels ou transformationnels deviennent des monosyllabes[6]. Les mots tronqués sont surtout des substantifs[7]. Règle de troncation:

 

O (L)V O

 

Cette règle est appliquée à des mots verlanisés qui se terminent par la suite «O(L)V» (obstruante — [liquide] — voyelle), dont la voyelle finale et l’éventuelle liquide précédente sont effacées. L’aval de mère (reumé) ne doit se détacher que du é (reum), alors que keufli (l’aval de flic) doit se débarrasser du li (keuf).

 

Reverlanisation. Les procédés décrits ci-dessus ne sont pas utilisés systématiquement. Un non-verlanisant se pose, par conséquent, la question de savoir quelle variante est utilisée dans quel cas et lesquels sont les procédés corrects. Selon Méla (1991: 82), les verlanisants ne cherchent pas à simplement «appliquer [l]es règles, il y a la recherche du mot qui sonne bien et qui sera adopté».

Dépendant de l’époque, de la mode et de l’environnement auquel on appartient, on utilisera l’une ou l’autre variante. Ces influences externes constituent, entre autres, des raisons pour l’émergence du phénomène de la reverlanisation. Quand un mot verlanisé est devenu trop habituel ou trop usé, il peut être crypté par une deuxième application de la règle d’inversion des syllabes. Cela veut dire qu’un mot en verlan peut être soumis plusieurs fois à la même opération.

Comme la reverlanisation s’applique à des monosyllabes fermés qui résultent d’une opération de verlanisation et de troncation (flic keufli keuf), les avals résultants seront des dissyllabes par épenthèse et inversion des syllabes (keuf keufeu feukeu). Un beur devient donc un reubeu.

 

 

LE VERLAN À TRAVERS LE MONDE

 

Les francophones perçoivent le verlan comme une invention propre aux Français. Mais les mêmes permutations langagières utilisées pour le verlan (ou du moins des procédés anagrammatiques similaires) peuvent être observées dans différentes langues à travers le monde: le back slang en Angleterre; le lunfardo et le vesre en Argentine et Uruguay; giria et teteca au Brésil; le shelta en Irlande; le šatrovački en ancienne Yougoslavie; le Mattenenglisch en Suisse (à Berne), etc. Du Brésil à l’ancienne Yougoslavie, différents groupes sociaux ont pratiqué l’inversion syllabique des mots de leur langue maternelle ou plutôt d’un certain jargon de base. Ici, nous nous concentrerons sur deux sociolectes qui seront comparés au verlan: le vesre dans l’argot lunfardo et le Mattenenglisch bernois.

 

 

 

Le lunfardo

 

À l’origine, le mot lunfardo était utilisé par des bandits qui l’employaient pour se désigner eux-mêmes. Mais ce qu’on connaît aujourd’hui sous ce terme est un jargon argentin qui s’est formé au XIXe siècle (premières attestations en 1878[8]); aux rives du Río de la Plata. D’abord, ce sociolecte était lié à la culture délictueuse des bas-fonds. Mais, par différentes créations linguistiques ingénieuses, il s’est transformé en langue courante[9] et s’est ainsi écarté de son origine douteuse. L’ambiance scélérate et les clichés liés à la vie des quartiers plus bas restent dans des textes de chanson et des poésies. La réalité actuelle de ce sociolecte, par contre, montre que quasiment tout Argentin parle lunfardo.

 

Histoire. La situation sociale dans la ville de Buenos Aires au milieu du XIXe siècle était complètement différente de celle du commencement du XXe siècle. En 1855, la capitale d’Argentine comptait 92.000 habitants. Soixante ans plus tard, ce chiffre s’était multiplié par 17. En 1914, plus d’immigrants que de «vrais» Argentins habitaient Buenos Aires (les chiffres sont tirés de López 2000). Ces circonstances ont frayé le chemin non seulement au mélange culturel, mais aussi à la tolérance langagière. En d’autres termes, les habitants de la capitale devaient communiquer les uns avec les autres. En raison du contact des différentes cultures, des calques, des modes ou des influences langagières ont pénétré la langue courante. Comme le lunfardo a ses propres règles de langage, et parce qu’il prête souvent de nouveaux signifiés aux mots, les intellectuels de 1900 le voyaient comme un danger. Ils craignaient un empoisonnement de la langue soutenue même dans des milieux dits élevés. Tout de même, ce jargon a défendu sa place.

Beaucoup d’écrivains se servaient du lunfardo pour rendre leurs mots plus authentiques. Les poètes l’utilisaient pour enrichir leur vocabulaire[10]. À partir de l’apparition du texte de Contursi pour le tango Mi noche triste (1917), le lunfardo s’est rapidement diffusé dans différents domaines. C’est ainsi qu’il s’est légitimé. L’Academia Porteña del Lunfardo s’est installée parallèlement à la Real Academia de la Lengua, qui conserve la syntaxe espagnole pour ne pas affaiblir la langue argentine.

 

Le sociolecte. Nous avons vu que le lunfardo était parlé aux origines par des gens appartenant à une classe sociale plus basse, comme par exemple les ouvriers portuaires (porteños), les servants, les souteneurs ou les prisonniers. Ce jargon, qui a survécu jusqu’à nos jours, se compose surtout du vocabulaire des gauchos (les paysans indigènes de l’Argentine), de mots importés par les immigrants et de mots métaphorisés et/ou verlanisés.

Mots importés d’autres langues. Parmi les immigrants, les Italiens et les Espagnols étaient en surnombre. Ceci se reflète aussi dans le lunfardo: beaucoup de régionalismes italiens et d’archaïsmes espagnols sont à repérer dans ce jargon. Manyar vient de l’italien mangiare (= manger), espichar de l’espagnol espichar (= piquer) et sanguich et orsai de l’anglais sandwich et off side (= hors jeu).

Parmi ces mots importés par les immigrants, certains sont à comprendre au sens figuré. À côté de diverses métaphorisations, on trouve des métonymies comme cana (= agent de police), qui vient du français canne, ou papirusa / papusa (= jeune belle dame)[11], qui vient du polonais papiros (= cigarette), ou par exemple des métaphores de l’italien (funyi [= chapeau], qui vient de funghi [= champignons], ou l’utilisation de vento [= vent] pour argent). Ce phénomène peut être vu comme une envie de jouer avec la langue ou comme volonté de masquer les mots.

Le «vesre». Le mot vesre est une inversion syllabique de l’espagnol revés (al revés [= à l’envers] al vesre). Si on considère les exemples plus courants (¿Qué sapa?[12] pour ¿Qué pasa? [= Qu’est-ce qui se passe?], gotan pour tango, lorca pour calor [= chaleur], telo pour hotel ou feca con chele pour café con leche [= café au lait]), on remarque que les inversions du vesre ressemblent à celles du verlan. Tout procédé utilisé en verlan se retrouve dans les transformations vesriques, à part la particularité du e muet et les transformations systématiques en dissyllabes.

A) dissyllabes. La transposition des syllabes, connue du verlan, s’effectue aussi dans le cas de la vesrification des dissyllabes:

 

 

Mais dans la transposition des syllabes, il est à observer une variation dans le report de l’accent des mots. Certains mots vesrifiés gardent leur accent initial (botón [= bouton] devient tombo, punta [= pointe] est transformé en tapún), d’autres le perdent (libro devient broli, macho choma et loco colo).

B) Trissyllabes. Pour la vesrification des mots trissyllabiques, quatre permutations sont à repérer: le rejet de la syllabe initiale en finale (berretín [= manie; apparence] devient retimbe), l’inversion totale des syllabes (marido [= mari] est transformé en dorima), le déplacement de la finale en position initiale (jotraba est l’aval de trabajo [= travail]) et l’inversion des deux dernières syllabes (abajo [=en bas] donne ajoba et conmigo [= avec moi] congomi). Cette dernière variation est la seule anomalie permutative par rapport au verlan.

 

  


 

La première permutation peut déclencher une apocope (pabellón [= pavillon] vesrifié en bellompa devient bellón), la deuxième une aphérèse (batidor [= fouet] vesrifié en dortiba devient ortiba). La deuxième permutation présente encore d’autres singularités, comme des substitutions de voyelle (l’aval de vigilante [= gardien{ne}] n’est pas telangivi, mais telangive) et des substitutions de voyelle avec épenthèse (milico [= soldat] n’a pas colimi pour aval, mais colimba).

Les mots dissyllabiques avec diphtongue subissent une rupture de cette dernière et sont transformés selon la règle de la deuxième permutation (vie/ja [=vieille ; mère en  argentin] devient jaevi et muer/te [= mort] teermu).

C) Autres aspects. Mais la création vesrique ne s’arrête pas là: des mots déjà vesrifiés seront utilisés comme point de départ pour des nouveaux mots. C’est le cas de chomita, qui est le diminutif de l’aval choma (amont = macho)[13], ou de pelpera, qui est une dérivation de l’aval pelpa (amont = papel [= papier]). On ne vesrifie pas machito (= petit macho) ou papelera (= poubelle), les mots espagnols corrects, mais on ajoute les terminaisons connues de l’espagnol aux mots vesrifiés.

Un phénomène pareil est à observer dans le cas des verbes : on ne vesrifie pas les verbes espagnols. Tantôt on les prive de leur r final et on les vesrifie pour leur rajouter, finalement, le r (caminar [= marcher] camina-r namicar); tantôt on ajoute la terminaison verbale à un verbe déjà vesrifié (pagar [= payer] garpar). Il en va de même pour le pluriel: on vesrifie un mot espagnol au singulier et on ajoute un s (gavión [= corbeille] vionga  viongas ; et non gaviones nesvioga).

 

 

Le mattenenglisch

 

En dialecte bernois, on l’appelle Matteänglisch, en Mattenenglisch, Itteme-Inglische. Ce sociolecte de la capitale suisse a vécu une transformation de langue occulte à langue culte. Presque plus personne ne le parle couramment. Ni rappeurs ni jeunes ne l’utilisent actuellement pour se détacher du reste de la population. Seul un club d’amateurs au quartier Matte continue à le parler.

 

Histoire. La Matte, détachée de la ville en haut de l’éminence bernoise, était un bas quartier habité par des ouvriers et des gens simples. Ce petit quartier a été baptisé ainsi par sa condition: lors de la fondation de la ville en 1191, la bande de terre où l’on construirait ce quartier était réellement une Matte (Von Greyerz 1933: 306) ce qui veut dire pâturage. La seule connexion géographique avec la ville étant des escaliers sombres (Nydeggtreppe, Fricktreppe et Bubenbergsrain) et des pentes, la vie des Mätteler se déroulait comme si leur quartier était une autre ville. Ce n'est qu' en 1726, par exemple, qu'on y construit une école (Von Greyerz 1990: 28), et les études secondaires, utopiques pour la plupart des Mätteler, ne pouvaient être faites que dans un autre quartier, normalement à Laubegg (Siebenhaar et Stäheli 2000: 140). Le refus de la haute ville (des patriciens, bourgeois, officiers et commerçants) était évident. Repoussé par celle-ci, on essayait de nourrir la solidarité dans ce quartier bas (des ouvriers, des travailleurs industriels et d’une couche sociale dite basse). Comme en haut on se vouait à la tradition, en bas on était ouvert à toute forme d’influence. Pour faire des affaires, on naviguait sur l’Aare au marché où marchandeurs et fripons de toutes parts influençaient les Mätteler. Leur vocabulaire était enrichi par la fréquentation des auberges, des stands et par les mercenaires rentrant chez eux. La première attestation du Mattenenglisch date des années 1880 (Von Greyerz 1999: 9). Son nom vient du toponyme Mattenenge, lieu près de l’Untertorbrücke, et n’est pas à mettre en rapport avec l’anglais. L’une des autres suppositions quant à l’origine du nom de ce sociolecte est que les habitants de la ville qui ne comprenaient pas les Mätteler auraient inventé ce nom. Cette supposition n’est pas sans intérêt, car autrefois, ceux et celles qui n’étaient pas compris(es) par les Bernois parlaient, aux yeux de ces derniers, automatiquement l'anglais (Matteänglish-Club Bärn 1994: 105). Quant aux fonctions du Mattenenglisch, le jargon de la Matte était d'abord un moyen non marqué de communication, avant de devenir cryptique (ou argotique) et, finalement, langage d' amateurs.

 

Le sociolecte. «Man hört viel vom Berner Mattenenglisch reden – seitdem es am Aussterben ist», dit von Greyerz en 1933. Pourtant, il y a des locutions typiques qui ont passé au dialecte bernois courant et qu’on ne perçoit plus comme des expressions étrangères ou marquées. C’est le cas de iu. Au lieu de dire ja, on utilise l’aval du oui français, habituel du Mattenenglisch.

Une phrase bien connue à Berne est «tunz mer e Ligu Lehm» (= donne-moi une tranche de pain). Elle nous montre bien quel amalgame de langues a dû exister dans ce petit quartier bernois: les mots tunz (dérivé du grec dos ou du français donner), Ligu (dérivé du grec oligon) et Lehm (dérivé de l’hébreu lechem) sont tous d’origine étrangère. Par contre, il faut préciser qu’en général, on fait la distinction entre trois différentes formes du parler de la Matte: le Mattebärndütsch, le vieux Mattenenglisch (base: Mattebärndütsch) et le Mattenenglisch (base: dialecte bernois)[14].

Le Mattebärndütsch. Le Mattebärndütsch est souvent confondu avec le Mattenenglisch. La phrase «tunz mer e Ligu Lehm», par exemple, vient, contrairement à l’opinion généralement admise, du Mattebärndütsch et non du Mattenenglisch. Celui-là a pour base le dialecte bernois et beaucoup d’influences étrangères (surtout du Rotwelsch, une langue yéniche). Le dialecte de base est déformé par des procédés typiques pour des langues secrètes (Von Greyerz 1999: 20): permutations de syllabes, de phonèmes ou de graphèmes, dérivations (alternance vocalique, métaphonie, sonorités finales [Aare > Iru], suffixe), métaphorisations (Ranzen [= sac] pour Bauch [= ventre], Stein [= pierre] pour Franken [= franc]), mots d’origine étrangère (Lehm, qui vient de l’hébreu lechem), périphrases (Ranzenschnittli [= coupures du sac] pour Prügel [= coups], Tschaaggehach [= homme d’école] pour Lehrer [= maître]). Ce dialecte de la Matte, qui était refusé par les Burger, les Bernois plus aisés, montre des particularités phonétiques et morphologiques: vocalisation du l (Schueu [= école] pour Schuel), vélarisation du nd (unge [= en bas] pour unde), formes courtes des verbes (stöö [= nous sommes debout] pour stönd, göö [= nous allons] pour gönd, föö [= nous attrapons] pour fange), apocopes (sicher ni [= bien sûr que non] pour sicher nid) et mots-valises (dasch [= c’est] pour das isch, ar [= à la] pour a der, ir [= dans la] pour i der).

Le vrai Mattenenglisch. Le Mattenenglisch et le vieux Mattenenglisch sont des créations argotiques schématisées en i-e. La seule différence entre les deux est leur dialecte de base : alors que le vieux Mattenenglisch a pour base le Mattebärndütsch, ce qu’on connaît par le terme Mattenenglisch est construit sur le dialecte bernois.

Le procédé théorisé selon Margot (2004):

 

Le mot de départ en bernois (ou en bernois de la Matte)                       Matte Mättu

est coupé après la première voyelle                                                    Mä/ttu

et les deux parties sont inversées.                                                       Ttu/mä

L’adjonction d’un i devant le nouveau mot                                          Ittumä

est suivie par la substitution de e à la dernière lettre (voyelle)   Ittume

 

Pour effectuer ce procédé, les mots composés ne sont pas traités en tant que mots entiers, mais chaque composante est soumise à la transformation décrite ci-dessus. Bäregrabe (= fosse aux ours) est donc coupé en Bä/re-gra/be (et non en Bä/regrabe) et transformé en Irebe-ibegre (et non en Iregrabebe).

Puisque les transformations peuvent se faire sur la base de deux dialectes qui ont beaucoup de synonymes pour certaines expressions, ce système d’inversion permet d’avoir un vocabulaire très riche (pour les différents termes signifiant «argent» ou «voler», voir Von Greyerz 1999: 39, 42 et 59).

 

 

COMPARAISON DES SOCIOLECTES ANALYSÉS

 

Les procédés observés pour créer un sociolecte sont similaires dans les trois langues. Un(e) verlanophone traduirait Le petit chaperon rouge et le loup de Charles Perrault par Le tipeu ronpecha gerou et le oul. Si on voulait raconter l’histoire en vesre à un enfant argentin, La caperucita roja y el lobo deviendrait La tacirupeca jaro y el bolo. Ce que connaît, finalement, un(e) germanophone par Das Rotkäppchen und der Wolf et un(e) Suisse-allemand(e) par Ds Rotchäppli u dr Wouf donne en Mattenenglisch Isde Itre-Ippliche u irde Iufwe.

La verlanisation, en tant que telle, est effectuée par des inversions multiples aussi bien en verlan qu’en vesre. Par contre, le Mattenenglisch ajoute des lettres aux mots transformés. D’une certaine manière, ce sociolecte nous rappelle le louchébem des bouchers. Le verlan n’abrège pas obligatoirement les mots, mais les ajouts sont, en tout cas, faits avant la verlanisation.

Le vocabulaire, toujours basé sur le langage familier ou argotique, est pareil dans les trois cas: métaphorisations et champs sémantiques restreints sont habituels aussi bien qu’emprunts d’autres langues. L’arabe dans le verlan et des langues diverses dans les deux autres sociolectes ont une influence créative importante.

Le verlan et le vesre sont les sociolectes les plus fréquents dans la vie quotidienne. Les deux ont influencé le parler des gens de certains milieux. Le langage des jeunes, du rap, des banlieues et des médias est imbibé de verlan. Le vesre, très commun dans toutes les couches, est même, par le soutien du lunfardo, protégé par une académie. Le verlan a aussi pénétré le Robert. Si on perçoit le verlan comme moyen d’évolution de la langue, il lui reste à pénétrer la littérature, car, comme Alain Rey l’observe dans une interview du Nouvel Observateur, «la littérature a toujours été le meilleur relais des évolutions de la langue» (1998). Les deux ont donc le statut de «vocabulaire parallèle utilisé ou bien en alternance ou bien à la place du français standard [ou de l’argentin] ou de l’argot non codé» (Méla 1997: 30). Le Mattenenglisch, par contre, n’a jamais dépassé le cadre des initiés et est devenu un culte de nos jours.

Cependant, la raison pour laquelle le Mattenenglisch n’a pas eu le même succès que les deux autres sociolectes analysés reste énigmatique. Peut-être par sa complexité de code, ou parce qu’avec le temps, on n’avait plus besoin de se détacher des personnes plus aisées de la ville. Comme le commerce a cessé avec le temps et le mélange des cultures a disparu peu à peu, on peut voir une autre raison dans la perte du besoin d’union dans le groupe.

 

 

CONCLUSION

 

Le verlan est encore utilisé, et non seulement en France, parce qu’il permet à la fois à différents groupes de locuteurs de se détacher du reste et de consolider la cohésion dans le groupe des parlants. Mais on peut conclure que ce ne sont pas toujours les jeunes qui parlent le verlan. Dans chaque pays, on constate une utilisation différente, par des groupes sociaux différents.

Les langues secrètes du départ ont survécu jusqu’à nos jours, mais elles ont perdu leur fonction pratique. Aussi bien le verlan que le vesre ont étendu leur champ d’usage, et la valeur secrète a diminué. Ayant inondé la vie quotidienne par les médias, la musique, etc., ces sociolectes ont passé à faire partie de la culture.

La discussion sur le danger que pourrait exercer l’influence de sociolectes sur la langue standard n’est pas dans chaque cas de la même importance. Le verlan, à la différence du vesre, n’a pas envahi toute la langue et reste un parler de groupe.

Mais la raison de l’apparition de sociolectes ou de langues secrètes reste incertaine. Tout de même, des suppositions peuvent être faites: comme Von Greyerz l’évoque (1999: 65), les voleurs professionnels, par exemple, voulaient se protéger des autres habitants, entre autres par la langue, en cherchant peut-être aussi à élever leur métier par des moyens linguistiques. Cette conclusion peut être tirée, car tout métier a son jargon technique. Mais finalement, la question sociologique de savoir si le verlan ou d’autres créations argotiques n’apparaissent que pour que les locuteurs verlanisants puissent se détacher des autres sujets parlants reste ouverte.

 

 

 

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[1] Cette fonction est surtout repérable dans la forme d’utilisation du verlan des filles. Dans le contexte suisse romand, beaucoup de filles changent au code du verlan pour émettre une injure ou de gros mots.

[2] Tahar Ben Jelloun, par exemple, voit les beurs comme les «enfants du sous-prolétariat de travailleurs immigrés et travailleurs manuels» élevés en France, et il affirme qu’on associe automatiquement au mot beur la banlieue, les problèmes d’intégration, etc.

[3] On pense au bled [= maison, chez soi], au toubib [= médecin] et kiffer [= aimer], entre autres.

[4] C = consonne; V = voyelle. Ce schéma de la syllabe française est aussi très simplifié.

[5] Pour les exemples, on renonce à la transcription phonologique.

[6] Méla écrit que ces monosyllabes sont fermés (1991: 83). Puisque la troncation s’applique surtout aux dissyllabes transformationnels (monosyllabes enrichis par un e muet), cette observation est compréhensible.

[7] Normalement, on ne tronque pas des adjectifs. Classe devient cecla et dur redu.

[8] Le 6 juillet 1878, le journal La Prensa a publié un article sur le vocabulaire des truands et le lunfardo est entré dans la langue quotidienne; voir Rodríguez.

[9] Il faut préciser que le lunfardo a un vocabulaire restreint et que, par conséquent, on ne peut pas parler en lunfardo. Par contre, on peut mélanger ce sociolecte à la langue courante, ce qui est fait par la plupart des Argentins.

[10] La diversité étonnante du lunfardo est très bien vue dans les dialogues entre Aberasturi et Don Antonio dans l’œuvre de théâtre Tu cuna fue un conventillo, écrite par Alberto Vacarezza.

[11] Se référant à l’origine aux belles Polonaises qui vendaient des cigarettes.

[12] Partie du titre de la chanson Qué sapa señor? (1931), d’Enrique Santos Discépolo.

[13] Le même procédé est aussi valable pour l’augmentatif chomazo.

[14] Les écrivains et théoriciens consultés ne sont pas d’accord sur cette tripartition. On ajoute souvent d’autres langues secrètes, comme la «langue adi», qui remplace les voyelles des mots par adi. Les termes utilisés pour désigner ces trois formes de parler varient aussi selon l’auteur ou le théoricien.